La radiothérapie, tout comme la chirurgie, figure parmi les traitements principaux du cancer de la prostate. Quelles sont les étapes de ce traitement ? Quels en sont les avantages et les inconvénients ? Explications avec le Pr Gilles Créhange, directeur du département de radio-oncologie à l’Institut Curie.
Chaque année, environ 60 000 nouveaux cas de cancer de la prostate sont diagnostiqués en France, ce qui en fait le cancer le plus commun chez les hommes français. Plusieurs approches de traitement sont possibles : chirurgie, radiothérapie externe, curiethérapie ou hormonothérapie. Lorsqu’il est détecté tôt et localisé, le taux de survie varie entre 75 % et 95 % selon le stade du cancer.
Le traitement approprié dépend du stade du cancer, de son potentiel de progression, de l’âge du patient et des effets secondaires potentiels. « Dans nos réunions multidisciplinaires, la première question posée est : le traitement est-il nécessaire ? Actuellement, nous ne traitons pas systématiquement les cancers localisés à faible risque (grades 1 et certains grades 2 sur les biopsies), souligne le Pr Gilles Créhange. Dans ces situations, nous privilégions une surveillance active comprenant des tests de PSA tous les six mois, une IRM annuelle et des biopsies de suivi si nécessaire pour vérifier l’absence de progression. Un patient sur deux peut ainsi éviter un traitement pendant cinq ans, évitant ainsi les effets secondaires. »
Pour les cancers évolutifs, plusieurs options de traitement sont envisageables : ablation de la prostate, radiothérapie externe, curiethérapie ou, dans certains cas, traitement focalisé. « Chaque traitement présente ses propres avantages et inconvénients. La chirurgie est généralement privilégiée pour les hommes jeunes ayant un cancer localisé et évolutif, explique le spécialiste. La radiothérapie, cependant, est de plus en plus privilégiée car elle offre des chances de guérison similaires avec moins de morbidité et des séquelles à long terme plus tolérables pour les patients. »
Que savoir sur la curiethérapie ?
La curiethérapie, une option pour les cancers localisés, implique l’implantation de grains radioactifs d’iode 125 dans la prostate sous anesthésie générale. « Cette technique est avantageuse car elle protège mieux le rectum et la vessie, explique le Pr Créhange. Cependant, elle n’est pas adaptée à tous les patients ; elle est réservée aux cancers localisés de petit volume, à faible ou intermédiaire risque, et à des prostates de taille modérée. »
Avec l’avancement de la radiothérapie stéréotaxique, l’usage de la curiethérapie diminue. « Cependant, elle reste préférée pour la ré-irradiation, continue le spécialiste. Il était autrefois pensé qu’une seconde irradiation après un premier traitement n’était pas possible. Ce n’est désormais plus le cas. En cas de récidive locale, une curiethérapie de rattrapage peut être effectuée chez des patients déjà traités par radiothérapie, avec d’excellents résultats par des experts. Il est crucial que les patients soient informés de cette possibilité avant de choisir entre chirurgie et radiothérapie lors du diagnostic initial. »
Déroulement d’une séance de radiothérapie pour la prostate
La radiothérapie nécessite une phase préparatoire pour configurer l’appareil qui émet les rayons.
C’est une approche très personnalisée. Le dosage des rayons est ajusté à l’anatomie spécifique de chaque patient. Un premier scanner de localisation est effectué pour obtenir des données anatomiques précises des zones à traiter et des organes à préserver. Pr Gilles Créhange.
Pour une radiothérapie stéréotaxique en cinq séances, les patients doivent faire un lavement chez eux et boire trois verres d’eau pour arriver avec la vessie à moitié pleine. « Ce sont les seules contraintes, ajoute le radiothérapeute. En radiothérapie conventionnelle, où le nombre de séances est plus important, on leur demande simplement de ne pas avoir la vessie vide. »
Nombre de séances de radiothérapie requises pour un cancer de la prostate
Le nombre de séances dépend du stade du cancer, de son agressivité et de la technique utilisée. « Nous réalisons beaucoup moins de séances qu’auparavant, confirme le Pr Gilles Créhange. Des études ont montré que, pour les cancers localisés, la radiothérapie stéréotaxique en cinq à sept séances est aussi efficace qu’un traitement plus long, sans toxicité accrue. Grâce aux avancées technologiques, notamment les scanners et IRM intégrés, nous pouvons administrer des doses équivalentes à celles de 40 séances en seulement 5. Nous sommes passés de 40 à 20 séances avec les traitements hypofractionnés modérés. Aujourd’hui, avec la stéréotaxie – notre standard à l’Institut Curie – nous avons réduit le nombre de séances par huit. »
Pour les cancers à très haut risque, nécessitant l’irradiation des chaînes ganglionnaires, le traitement s’étend sur vingt séances, en raison du volume à traiter.
Durée des séances
Une séance de radiothérapie dure généralement entre 5 et 10 minutes. « En comptant l’accès à la cabine, l’installation sur la table, le positionnement et la délivrance des rayons, il faut prévoir entre 15 et 20 minutes au total », précise le Pr Créhange.
Effets secondaires à court et long terme de la radiothérapie
La radiothérapie est généralement bien tolérée, mais peut provoquer des effets secondaires aigus ou tardifs.
Effets secondaires aigus
Principalement liés à l’inflammation de la vessie, ces effets apparaissent après deux à trois semaines de traitement et se manifestent par des envies pressantes d’uriner et une fréquence urinaire accrue. « Cette inflammation entraîne des symptômes gênants similaires à ceux d’une infection urinaire, sans infection », explique le spécialiste.
Ces effets touchent environ 25 % des patients, sont transitoires et disparaissent après quelques semaines. « Dans 10 % des cas, une rectite peut également survenir, se manifestant par des hémorroïdes, un transit accéléré, des selles molles, plus fréquentes ou de fausses envies, ajoute le radiothérapeute. Ces symptômes sont également transitoires. »
Rectite ou cystite radique : effets secondaires à long terme
Environ 5 % des patients présentent des séquelles tardives plusieurs années après la radiothérapie. « Il peut subsister de petites zones cicatricielles après l’inflammation de la vessie ou du rectum qui provoquent des saignements intermittents dans les urines ou les selles. Ces effets, appelés cystite ou rectite radique, sont généralement bénins, rassure le Pr Créhange. Cependant, chez les patients sous anticoagulants, ils peuvent être plus fréquents et abondants et nécessiter une cystoscopie ou une coloscopie pour éliminer d’autres causes (notamment un nouveau cancer). Si nécessaire, une cautérisation par des séances de Plasma Argon peut être réalisée pour arrêter les saignements. »
Troubles de la fonction érectile
Enfin, environ 30 % des patients signalent des troubles de la fonction érectile après un traitement par radiothérapie.
Les troubles de la fonction érectile sont d’origine vasculaire : les petits vaisseaux irriguant le pénis se bouchent, comme dans le diabète ou l’hypercholestérolémie. Cette baisse progressive de la qualité des érections survient généralement dans l’année ou les deux ans suivant le traitement. Pr Gilles Créhange.
La dysfonction érectile n’est pas une fatalité. Il existe des solutions pour y remédier : comprimés de type IPDE5, injections intracaverneuses, pompe à vide… Et le Pr Créhange de conclure : « Si un patient a une activité sexuelle régulière et des érections de bonne qualité avant le traitement, il y a de bonnes chances qu’il les conserve après. En revanche, l’absence d’activité sexuelle régulière favorise le déclin de la fonction érectile. »