Si vous observez une teinte rosée, rouge ou brune dans votre urine, restez calme. Les causes de sang dans l’urine sont diverses et, la plupart du temps, ce symptôme est associé à une infection facilement traitable avec l’aide d’un professionnel de santé. Quels examens devriez-vous envisager ? Quand s’inquiéter ? Voici quelques éclaircissements.
La découverte de sang dans l’urine, appelée également hématurie, peut être alarmante. Toutefois, les origines de ce phénomène sont nombreuses. Comment doit-on réagir ? Un urologue nous guide à travers cette question.
L’hématurie est la présence de sang dans les urines, explique le Professeur Yann Neuzillet, urologue à l’hôpital Foch à Suresnes.
Hématurie microscopique et macroscopique
Le spécialiste distingue deux principales formes d’hématurie :
- Hématuries microscopiques : cela indique que le sang n’est pas visible à l’œil nu. Il nécessite un examen d’urine ou un test avec une bandelette urinaire pour être détecté ;
- Hématuries macroscopiques : il s’agit de l’urine qui prend une couleur rouge. « Cette coloration peut ne pas correspondre à la présence d’hémoglobine mais plutôt à celle de myoglobine (une protéine du sang similaire à l’hémoglobine) qui peut également rendre le test de la bandelette urinaire positif à l’hémoglobine, sans que ce soit le cas. Après un effort physique intense comme un marathon, il est possible d’éliminer de la myoglobine dans les urines, sans qu’il y ait présence de sang », précise le Professeur Neuzillet.
Il est crucial de vérifier que la rougeur des urines est due à l’hémoglobine
« Si une bandelette urinaire indique une hématurie, il est essentiel de confirmer en premier lieu que cette coloration est réellement due à la présence d’hémoglobine dans les urines. La première étape est de réaliser un ECBU (examen cytobactériologique des urines) pour vérifier s’il y a des hématies (globules rouges) dans l’urine. Si aucune hématie n’est détectée, cela peut indiquer que la coloration est due à une autre cause ou à une autre protéine qui a réagi au test sans que du sang soit présent », note le médecin.
Hématurie initiale, terminale et totale : que signifient ces termes ?
Il est possible de caractériser le moment où apparaît l’hématurie macroscopique (visiblement détectable) :
- Hématurie initiale : « L’hématurie initiale se manifeste au début de la miction, indiquant que le sang s’évacue principalement en début de vidange de la vessie, suivie ensuite d’urine claire. Chez les femmes, cela peut parfois être confondu avec du sang menstruel – présent à l’entrée du vagin – qui s’évacue avec la première goutte d’urine », explique le Professeur Neuzillet ;
- Hématurie terminale : « Cela se produit lorsque l’urine est claire au début de la miction, mais devient rose, rouge ou foncée vers la fin. Cela peut indiquer qu’une tumeur de la vessie, par exemple, exerce une pression en fin de vidange, un peu comme une éponge que l’on presse, et libère du sang ;
- Hématurie totale : « Cela signifie que du sang est présent dans toute l’urine. Dans ce cas, il est crucial de consulter un médecin immédiatement ».
Causes : pourquoi une femme peut-elle saigner en urinant ?
La cause la plus fréquente à exclure : une infection urinaire
La cause la plus courante est l’infection urinaire. « Elle est fréquente, généralement bénigne et justifie un traitement. La plupart du temps, il s’agit de cystites. Les symptômes irritatifs incluent une envie fréquente d’uriner, une sensation de brûlure lors de la miction et une urgence à uriner… », observe le Professeur Neuzillet. « Dans ce cas, l’ECBU confirme généralement la présence d’hématies et de leucocytes, ainsi que d’un agent infectieux. Le médecin prescrira alors une antibiothérapie (de nos jours, les pharmaciens peuvent également prescrire des antibiotiques pour ces infections) ».
En l’absence d’infection urinaire, on recherche une tumeur de la vessie
« En l’absence d’infection urinaire, il est nécessaire de poursuivre les investigations », indique le Professeur Neuzillet. « La cause grave à rechercher est notamment la tumeur de la vessie. Ces tumeurs ne sont pas rares : elles représentent le cinquième cancer le plus fréquent tous cancers confondus. Le principal facteur de risque est le tabagisme, mais pas uniquement : 50 % des patients développeront un cancer de la vessie sans jamais avoir fumé ».
Comment procède-t-on pour la recherche ? « Les examens sont simples : une échographie de l’appareil urinaire est réalisée pour détecter une éventuelle tumeur visible à l’échographie, ce qui permet également de rechercher d’autres anomalies plus rares sur les voies urinaires susceptibles de saigner (cancer du rein, etc.). Si l’échographie ne révèle rien, il est conseillé de consulter un urologue pour réaliser une fibroscopie vésicale (examen de l’intérieur de la vessie à l’aide d’une caméra) », explique le médecin.
Les calculs, une autre cause plus rare du sang dans les urines
Les calculs vessie sont plus fréquents chez les hommes. « Chez les femmes, c’est plus rare, bien que ce ne soit pas impossible », indique le Professeur Neuzillet. « Les femmes susceptibles de développer des calculs sont celles dont la vessie ne se vide pas correctement en raison d’un prolapsus : la vessie descend dans le vagin pour diverses raisons (affaiblissement du pelvis avec l’âge, accouchements répétés ou compliqués) et ne peut pas se vider correctement. C’est dans ces urines stagnantes que peuvent se former des calculs. Le diagnostic est aisément réalisé grâce à l’échographie qui permet de visualiser le calcul ».
Les autres causes très rares (cystite interstitielle, etc.)
« Enfin, il existe des causes vraiment rares, notamment les cystites interstitielles, les cystites liées à des inflammations auto-immunes ou des maladies dont l’étiologie est complexe et qui affectent la vessie à la manière dont la rectocolique hémorragique ou la maladie de Crohn affecte le côlon. Heureusement, ces causes restent très rares », conclut le médecin.
Les causes contextuelles
« Il reste les causes contextuelles, qui sont simples à identifier, que l’on nomme aussi causes d’élimination », et vers lesquelles on se tourne « après avoir exclu les diagnostics de tumeurs, de calculs ou de maladies inflammatoires », explique le médecin. « Par exemple, les patients qui ont été irradiés directement ou indirectement au niveau du pelvis dans le cadre de cancers du col, du rectum, ou de la prostate chez l’homme. La radiothérapie sur la vessie a pu brûler et donc fragiliser la muqueuse vésicale, qui peut saigner ».
Mon urine est rouge mais ce n’est pas un saignement : pourquoi ?
« Un médicament peut les colorer en rouge – plutôt en orange, d’ailleurs », répond le Professeur Neuzillet. « Certains aliments consommés en grande quantité, comme la betterave, peuvent également colorer les urines. Le colorant de la betterave est éliminé par voie urinaire : si vous avez mangé une quantité importante de betterave, vos urines deviendront rouges ».
« Comme évoqué plus haut, après un effort physique intense et prolongé, comme un marathon par exemple, on peut trouver de la myoglobine dans les urines. Moléculairement, elle ressemble comme deux gouttes d’eau à l’hémoglobine, mais ce n’en n’est pas ! ».
Traces de sang dans les urines : quels sont les signes d’alerte ?
Certains signes doivent amener à consulter le plus rapidement possible :
- Des caillots : « cela signifie qu’il y a une blessure quelque part sur les voies urinaires, ce qui témoigne d’une certaine gravité », indique le Professeur Neuzillet ;
- Certains signes associés au saignement : fièvre, syndrome irritatif… ;
- Un contexte de tabagisme, « surtout autour de 50/60 ans, lorsque le tabac accumulé et l’élimination des carcinogènes dans les urines peuvent avoir causé une tumeur de vessie », explique le médecin. « Dans ce cas, il faut consulter rapidement ».
La présence de caillots dans le sang oriente le diagnostic
Si l’on constate la présence de caillots, cela signifie qu’il y a une lésion quelque part sur les voies urinaires. « La présence de caillots signifie que le sang qui passe dans les urines est du sang complet, avec des plaquettes et des facteurs de coagulation. Cela signifie qu’il y a une ‘brèche’ quelque part dans les voies urinaires, et permet d’exclure le diagnostic de maladie rénale : si maladie rénale il y avait, il n’y aurait que des globules rouges, et pas de plaquettes ou de facteur de coagulation – et donc pas de formation de caillots ». La présence de caillots doit amener à consulter rapidement.