L’ischémie se réfère à la réduction de l’apport sanguin à un organe, entraînant une diminution de l’oxygénation des tissus. Le Pr Fabien Thaveau, responsable du département de chirurgie vasculaire et endovasculaire au CHU de Clermont-Ferrand et membre de la Société de chirurgie vasculaire et endovasculaire de langue française (SCVE), nous éclaire sur ce sujet.
Fréquemment associée à des pathologies cardiovasculaires, l’ischémie est un trouble assez courant. Chaque année, la France recense en moyenne 80 000 cas d’infarctus du myocarde et environ 140 000 à 150 000 nouveaux cas d’accidents vasculaires cérébraux (AVC), soit un toutes les quatre minutes. L’ischémie chronique des membres inférieurs, aussi nommée artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), affecte entre 15 % et 20 % des individus de plus de 70 ans dans les pays développés, avec une prévalence en hausse due au vieillissement démographique et à l’augmentation des comorbidités. « En France, environ 10 % des personnes de plus de 65 ans et 24 % de celles de plus de 95 ans souffrent d’AOMI, précise le Pr Thaveau. En 2023, 36 000 hospitalisations et 17 000 amputations ont été nécessaires. L’AOMI est liée à un risque accru de morbidité et mortalité cardiovasculaire, plaçant cette maladie comme la troisième cause de morbidité cardiovasculaire après les maladies coronariennes et les AVC. À cinq ans, environ 20 % des patients atteints d’AOMI auront eu un AVC ou un infarctus du myocarde, et 10 à 15 % décéderont ; les risques étant quintuplés pour les fumeurs. »
« Lorsqu’il y a ischémie, cela signifie que les cellules sont privées d’oxygène en raison d’un défaut d’apport sanguin, explique le chirurgien. Certaines cellules, comme les neurones, ne survivent que quelques minutes sans oxygène, tandis que d’autres, telles que les cellules de la peau ou des os, peuvent tenir plusieurs heures. En cas de privation d’oxygène, la cellule active un mécanisme de survie temporaire, mais celui-ci s’épuise rapidement. »
Cardiaque, cérébrale, digestive ou encore rétinienne : quels sont les différents types d’ischémie ?
L’ischémie peut affecter tous les organes : on parle d’ischémie cardiaque (myocardique) lorsqu’elle concerne le cœur, d’ischémie cérébrale lorsqu’elle touche le cerveau, ou encore d’ischémie mésentérique au niveau intestinal.
« En France, les ischémies cérébrales (AVC) et myocardiques (infarctus du myocarde) sont les plus courantes, indique l’expert. Nous observons également des ischémies rénales ou mésentériques. »
L’ischémie cardiaque (ou myocardique)
Une ischémie cardiaque résulte généralement d’une obstruction d’une artère coronaire, diminuant l’apport en sang et en oxygène nécessaire aux cellules du myocarde, ce qui peut conduire à un arrêt cardiaque.
L’ischémie cérébrale
Une ischémie cérébrale se manifeste par une interruption ou une réduction soudaine du flux sanguin vers une région du cerveau, entraînant une privation d’oxygène des cellules qui peut causer leur dysfonctionnement ou leur mort en quelques minutes si le flux n’est pas rétabli rapidement. « Dans 85 % des cas, un AVC résulte d’une obstruction par un caillot sanguin d’une artère cérébrale, stoppant la circulation sanguine », précise l’Institut du cerveau.
L’ischémie des membres inférieurs
L’ischémie des membres inférieurs se distingue en deux formes :
– L’ischémie chronique, ou artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), résulte de l’athérosclérose qui réduit progressivement le diamètre des vaisseaux, entravant la circulation sanguine. La privation d’oxygène des tissus peut causer des douleurs pendant la marche (claudication intermittente qui disparaît au repos), puis des douleurs constantes au repos, ainsi que des ulcères, des nécroses ou même de la gangrène dans les cas les plus graves. « Des douleurs ou des crampes au mollet ou à la jambe lors de la marche, qui disparaissent lorsque le patient s’arrête, devraient inciter à consulter. Cela peut être un signe précurseur », prévient le spécialiste.
– L’ischémie aiguë, souvent consécutive à une thrombose (formation d’un caillot sanguin). C’est une urgence vasculaire car il y a un risque d’amputation si la circulation sanguine n’est pas rapidement rétablie.
L’ischémie mésentérique ou infarctus intestinal
Comme dans le cas de l’infarctus du myocarde ou de l’AVC, l’ischémie mésentérique aiguë – conséquence d’une obstruction totale ou partielle par un caillot sanguin des vaisseaux qui irriguent l’intestin – représente une urgence médicale.
L’ischémie rétinienne
Enfin, l’ischémie rétinienne est caractérisée par une réduction significative de l’apport en oxygène à la veine centrale de la rétine ou à ses branches, entraînant une baisse soudaine de l’acuité visuelle.
Quels sont les symptômes d’une ischémie ?
Les symptômes d’une ischémie varient selon l’organe affecté. « En cas d’ischémie cérébrale, par exemple, les symptômes seront neurologiques : déformation de la bouche, faiblesse d’un côté du corps, troubles de la pensée, de la parole ou de l’équilibre…, explique le Pr Thaveau. Pour un infarctus du myocarde (ischémie cardiaque), il se manifeste souvent par une douleur thoracique constrictive, pouvant irradier dans les bras, la gorge ou la mâchoire. »
Quelle est la différence entre un accident ischémique transitoire (AIT) et un accident vasculaire cérébral ?
Un accident ischémique transitoire (AIT) est un blocage temporaire d’une artère cérébrale qui se résorbe de lui-même en quelques minutes. « C’est un avertissement crucial : l’AIT doit absolument conduire à une consultation d’urgence, même si les symptômes disparaissent, insiste l’expert. Les symptômes sont identiques à ceux d’un AVC, mais ils sont de courte durée. » Un tiers des patients ayant subi un AIT subiront un AVC dans les jours suivants…
Comment diagnostiquer une ischémie ?
Le diagnostic d’une ischémie repose principalement sur un examen clinique approfondi, complété par des tests d’imagerie et un bilan biologique, selon la localisation de l’ischémie suspectée. Par exemple, une IRM cérébrale ou un scanner est utilisé en cas de suspicion d’AVC, tandis qu’un écho-doppler artériel est le premier examen réalisé pour une ischémie des membres inférieurs.
Comment traiter une ischémie ?
Le traitement de l’ischémie dépend de sa localisation et de sa gravité (aiguë ou chronique). L’objectif est de restaurer rapidement le flux sanguin afin de limiter les dommages tissulaires, tout en traitant la cause sous-jacente. « Initialement, le traitement chirurgical vise à rétablir la circulation sanguine en élargissant une artère rétrécie ou obstruée (angioplastie) et en plaçant un stent – une sorte de mini-ressort – pour empêcher qu’elle ne se rebouche, explique le Pr Thaveau. Il peut également être nécessaire de réaliser des pontages, une opération qui permet de contourner la zone bloquée de l’artère pour rétablir le flux sanguin en aval. »
Par la suite, la prise en charge inclut le contrôle des facteurs de risque (hypertension, diabète, hypercholestérolémie) et l’adoption de mesures hygiéniques et diététiques : arrêt du tabac pour les fumeurs, alimentation équilibrée et activité physique régulière. « En fonction de la nature de l’ischémie et des comorbidités, un traitement médicamenteux – antiplaquettaire, anticoagulant à long terme (aspirine), statines ou encore antihypertenseurs – peut être prescrit sur le long terme », conclut le spécialiste.
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